Valorisation de l’originalité de l’attraction
À l’occasion de l’enrichissement de l’expérience de l’attraction à l’approche d’Halloween, la vidéo narrative sur la Tower of Terror retrace le schéma scénaristique de l’attraction à travers les yeux d’un personnage féminin qui se trouve plongé dans les étapes successives du tour bien connu, reprenant le récit du pré-show de la bibliothèque. L’attraction est ainsi rhabillée pour Halloween. L’attraction est inspirée de la série “The Twilight zone” (“La Quatrième dimension”), considérée comme une des meilleures séries américaines et ayant débuté en 1959.
L’aspect tiré à quatre épingles des épisodes se retrouve dans le thème même de l’attraction relatant un accident qui se serait passé dans un hôtel prestigieux de Hollywood en 1939.
Cependant, l’intérêt de la vidéo est de passer au stade suivant de l’inspiration, en assumant le scénario de l’attraction comme indépendant de la série. Le caractère “original” de l’attraction est ainsi valorisé, comme cela a été le cas pour Phantom Manor lors de l’approfondissement des “secrets” du manoir dans la rénovation (ici). C’est comme si le scénario d’une attraction tirée d’un classique Disney devenait plus influent et percutant que le classique lui-même, qui perdrait son statut de référence. Regarde-t-on “The Twilight Zone” parce qu’on aime l’attraction ou le contraire ? La firme Disney a intérêt à ce que la réponse ne soit pas dans la simplicité mais dans un mélange de désirs et d’imaginaires collectifs (plus d’informations sur le site institutionnel de Disneyland : ici)
Une ambiance “adulte”
La difficulté de cette vidéo est donc de savoir sous quel angle l’analyser : Halloween, l’attraction, la série, son histoire et son rythme propres ? Ce teaser de Halloween diffusé sur la chaîne Youtube de Disneyland Paris raccroche en effet plusieurs niveaux d’imaginaires.
Premièrement, après un Halloween aux couleurs de l’Amérique du sud l’année dernière, cette courte vidéo narrative associe des univers qui n’étaient pas jusque là valorisés pour la saison d’Halloween, et renouvelle ainsi l’image de la fête. Le lien semblait pourtant évident, puisque l’événement tragique frappant l’Hollywood Tower Hotel a eu lieu le 31 octobre 1939. Cependant, on ne lie la vidéo qu’à la saison en raison du hashtag “DisneyHalloween” et la chanson “Will you be brave enough ?”. Tower of Terror, c’est Halloween toute l’année, comme le précise le site internet du parc. Cet hôtel et son histoire apportent avec eux un bagage “adulte” associé à l’époque sulfureuse de Hollywood dans les années 1930, considérée comme l’âge d’or des studios californiens.
Voici les thèmes de cette ambiance “adulte” qu’on peut retenir :
La figure de la femme fatale
Avec des mythes comme Mae West, Greta Garbo, Katharine Hepburn, Bette Davis, évoquée dans la chevelure épaisse et ondulée du personnage de la vidéo. Ces femmes sont souvent déesses et diablesses à la fois.
L’univers du jazz et de la fête
L’orchestre du hall de l’hôtel rappelle que la tragédie liée aux ascenseurs s’est déroulée au moment d’une fête qui se tenait dans l’établissement. Le jazz symbolise depuis le début de son histoire la liberté d’expression (associée à l’émancipation de la minorité noire) et le jeu provocateur avec les codes musicaux (loin des canons de Broadway).
Le thriller et les gangsters
L’opposition nette entre la blonde à la robe blanche et une deuxième femme fatale dans le personnage de la chanteuse à la robe étincelante produit une tension narrative classique entre deux types de protagonistes. Les regards échangés, surpris, subjugués ou jaloux, introduisent une part de secret dans le scénario. Cela nous replonge dans les films de ces années, remplis de femmes aux cheveux tirés et aux robes impeccables (Rebecca d’Hitchcock est de 1940), à l’époque où le code de morale Hays forçait les cinéastes à rivaliser de créativité pour érotiser leurs productions. Les films de gangsters des années 1930, comme Scarface joue sur ces ambiances. Les images de l’hôtel sous l’orage du début et de la fin rappellent le noir et blanc de ces films et le style graphique géométrique des années 1930, repris dans l’affiche bicolore, noire et orange, de l’attraction Tower of Terror.
Le mystère et l’épouvante
L’idée de mystère est amplifiée par les paroles de la chanson qui constituent un ensemble de propositions provocatrices poussant à donner envie d’avoir peur en fouillant l’inexplicable. C’est une technique fréquente des publicités de poser des questions auxquelles on ne peut que répondre par oui, à moins de passer pour un sous-homme :”Serez-vous assez courageux” en est un exemple. C’est aussi dans les années 1930 que se développe à Hollywood le genre de l’épouvante et de la science-fiction, en raison de la crise mondiale qui resserre les cordons des bourses des studios (Docteur Jekyll & Mister Hyde, King Kong, etc.). Le teaser reprend des codes des films d’horreur : un endroit fermé (un hôtel), une quête (recherche de l’enfant spectral à travers les lieux de l’hôtel… histoire de faire un peu de publicité), les allers-retours émotionnels (pause de l’orchestre, puis reprise de la quête), l’opposition d’univers (la belle fardée dans les cloaques).
Conclusion : Halloween & récits traditionnels des attractions
Un des axes à souligner est la faille temporelle, révélant un parallèle percutant entre une époque somptueuse et la déchéance. C’est la base de l’attraction, qui nous invite à revivre ce qui a conduit l’hôtel dans un tel état de désolation, exactement comme Phantom Manor, autre emblème de Disneyland, mais aussi comme de nombreux films populaires (Le Vaisseau de l’angoisse, etc.). Le récit des attractions des parcs repose souvent sur la découverte par le visiteur d’un univers fastueux devenu ruine, permettant en effet d’expliquer pourquoi les lieux sont vides, laissés dans un état d’occupation possible (Indiana Jones n’y échappe pas).
Pour conclure, avec ce teaser, Disneyland se situe dans la fonction industrielle de la firme Disney de production de contenus culturels destinés à raconter des histoires. Disney est une machine à laver les récits, grâce à une utilisation industrialisée des codes et astuces de chaque genre, où se mélangent et se renouvellent les imaginaires, dont celui d’Halloween dans le cas présent.