Il existe cinq stratégies publicitaires possibles pour des parcs d’attractions désireux de faire venir ou revenir des visiteurs. La première stratégie consiste à vanter l’intérêt d’une nouvelle attraction dans le parc. La deuxième stratégie consiste à attirer les visiteurs par des événements périodiques durant lesquels le parc se transforme au fil des saisons. La troisième consiste à défendre l’esprit particulier du parc, sa différence. La quatrième stratégie consiste à faire reposer la communication avec les visiteurs sur l’univers fictif du parc, ce qui est réservé aux parcs qui racontent des histoires et ont donc une identité thématique forte. La cinquième et dernière stratégie relève de l’image des parcs : leur notoriété est si forte qu’une image suffit à les reconnaître et à créer du désir. Un des spots publicitaires diffusés à l’occasion du 25ème anniversaire de Disneyland Paris a l’originalité de combiner différentes de ces stratégies (cliquez ici pour le voir)
Un diptyque qui casse les codes
Le film publicitaire diffusé à l’occasion du 25ème anniversaire de Disneyland Paris se construit autour d’une structure en diptyque strict : deux tableaux de 15 secondes chacun. Le premier tableau est un cas classique de communication sur les nouveautés présentes dans le parc afin de célébrer le quart de siècle d’existence du parc : « nous avons illuminé la nouvelle parade », « nous avons rempli le ciel de nouvelles étoiles venues de galaxies très lointaines ». Ces quelques nouveautés apparaissent dans le cadre d’une saison consacrée à la célébration du 25ème anniversaire de Disneyland Paris, ce qui ajoute à cette publicité un deuxième axe stratégique, celui de la saison et de la fête, qui promet donc aux visiteurs de vivre un événement unique qui n’arrivera qu’une seule fois dans l’histoire du parc.
Le deuxième tableau est ouvert par la conjonction de coordination « Mais » afin d’insérer un élément nouveau plus important que les nouveautés citées dans le premier tableau : « Mais ce qui brillera le plus sera l’étincelle que vous verrez dans leurs yeux ».
On va donc à Disneyland Paris pour autre chose que le produit lui-même, c’est-à-dire pour y voir la joie de nos enfants plus que pour monter à bord des attractions. Ainsi, quand le premier tableau se rapproche, selon la classification de Jean-Marie Floch, de la publicité substantielle qui montre le produit de manière à nous immerger totalement en lui, le deuxième tableau est opposé et relève de la publicité mythique, en promettant rêve et bonheur à travers le récit d’un séjour familial.
L’originalité de ce diptyque relève de sa stratégie énonciative. La première partie place Disneyland Paris en acteur principal du désir avec l’utilisation du sujet « nous ». Or, la deuxième partie renverse cette situation en plaçant non plus le parc comme objet de désir pour les enfants mais le bonheur des enfants comme objet de désir pour les parents. Cette publicité, en s’adressant aux parents, casse la stratégie habituelle de créer du désir par la présentation des nouvelles attractions. Nous assistons à un transfert d’images désirées en partant des images des nouveautés du parc en allant vers les étincelles dans les yeux des enfants. Le film prend donc comme argument publicitaire l’amour porté par les parents à leurs enfants, l’émotion éprouvée par les parents quand ils voient leurs enfants remplis de joie : « si vous aimez vos enfants, si vous voulez les voir heureux, emmenez-les à Disneyland Paris ». Cette promesse est matérialisée par les étincelles qui passent des enfants au couple de parents.
Un espace imaginaire
Cette publicité est originale pour une deuxième raison : son traitement de l’espace. Dans la publicité dont il est ici question, l’espace brouille d’abord la frontière entre la réalité et les représentations : deux vues réelles de Main Street donnant sur le château ouvrent et ferment le film, d’abord en plein jour puis la nuit pour symboliser le passage d’une journée. Au milieu du spot, un enfant se retrouve dans le décor de Star Wars face à un robot tiré de la célèbre saga de George Lucas. Ici, l’espace n’est plus réel, l’enfant est projeté dans le décor du film de l’attraction de type cinéma 3D « Star Tour » dans un tourbillon magique suggéré par la nuée de poussières d’étoiles qui l’entoure. Ensuite, une fillette, entourée de la même poussière d’étoiles, se jette dans les bras de Mickey dans une pelouse attenante au château normalement interdite au public.
Enfin s’enchaînent plusieurs images du spectacle nocturne qui consiste en des projections animées sur le château qui sert d’écran. Là aussi, l’espace du parc est transformé pour devenir une scène encerclée d’une foule de spectateurs. Nous avons donc l’impression de voir le parc avec des yeux d’enfants dotés de la capacité de jouer, c’est-à-dire d’imaginer un monde à partir de peu, d’un décor, d’un dessin, d’une poupée. Les plans en contre-plongée viennent confirmer cette impression. L’enchaînement rapide de ces images auquel s’ajoutent l’utilisation des plans serrés et la présence d’une foule permanente empêche une visualisation claire de l’espace dont nous retenons cependant un point fort récurrent : le château de la Belle au Bois Dormant qui constitue le logotype du parc, comme le montre le plan final de la publicité où la fée Clochette l’entoure de sa pluie d’étoiles. Un élément réel du parc se voit alors doté d’une signification symbolique, puisqu’il s’inscrit dans l’histoire des logotypes animés présentés au début de tous les films Disney.
L’anniversaire d’un lieu sans âge ?
Arrêtons-nous sur la signification de cet anniversaire : la nouveauté tournée vers le futur et l’anniversaire communément tourné vers le souvenir du passé se combinent en un intéressant paradoxe. Le rapport au temps chez Disneyland Paris est en effet dual. Catherine Powell, lors de son discours d’inauguration des festivités, a rappelé l’histoire du parc tout en annonçant un renouveau. Ainsi, fêter un anniversaire, pour un individu ou un parc à thème, c’est à la fois dresser le bilan de ce qui a été achevé, tout en fomentant des projets pour l’avenir. Or, Disneyland Paris ne semble jamais vieillir, il ne fait qu’évoluer. Les travaux de restauration qui y ont lieu de manière permanente sont autant de « liftings » et d’injections de « botox », autant de manifestations d’un rejet du vieillissement. Même l’attraction Pirates of the Caribbean, qu’on aurait pu voir entrer au panthéon des attractions classiques muséifiées, n’a pas échappé à cette exigence de jeunesse. Le changement d’identité de Space Mountain a notamment rempli de nostalgie le youtubeur de la chaîne Wonder Hook qui a tenu à filmer une dernière fois Space Mountain Mission 2 avant les travaux de transformation en Hyperspace Mountain (voir la vidéo), montrant ainsi que les 25 ans de Disneyland Paris relèvent aussi, au-delà des publicités, d’une expérience personnelle vécue différemment par chaque visiteur, qu’il soit nostalgique ou féru de nouveautés.
Si on aime visiter les vestiges de Pompéï ou les ruines du Parthénon pour justement y éprouver les effets du temps, nous allons plus vraisemblablement à Disneyland Paris pour y goûter au contraire la saveur de l’intemporel. Tout y est toujours flambant neuf et éclatant. Toutefois, cette fraîcheur sans cesse conservée ne fait pas table rase du passé, et on remarquera aux quatre coins du parcs des vestiges de son identité en tant qu’Euro Disney, comme le logotype d’EuroDisney Railroad forgé sous la gare de Main Street. On ne foule pas du pied sans un certain plaisir non plus les carreaux de carrelage fendillés sous le Disneyland Hotel qui nous rappellent 25 années de files d’attente et le passage de dizaines de millions de visiteurs. Ce plaisir réservé aux flâneurs aimant se laisser envoûter par le poids des années devient un sentiment de répulsion chez les visiteurs qui voient dans chaque parcelle de peinture craquelée un signe de négligence et un manque d’investissement dans la rénovation.
Il n’est pas question ici de savoir qui a tort ou a raison mais de soulever une question qui inonde les forums de fans de Disneyland Paris et de parcs d’attractions en général quand il est question de leur anniversaire : quelle est la place du passé dans ces espaces vivants dont la magie provient tant du caractère apparemment intemporel que de la pesanteur du temps présente dans les décors ? En somme, il est impossible de dire si le temps, à Disneyland Paris, s’arrête ou non : le cycle des saisons, les nouvelles attractions, les travaux de restauration, la pérennité d’attractions mythiques et la fraîcheur inchangée de Main Street pourtant plongée dans un passé imaginé…l’expérience du temps y est pour le moins déconcertante !
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